Taurnada éditions, 19 mars 2020, 211 pages, disponible au format papier et numérique
Manon n'est pas une fille comme les autres, ça, elle le sait depuis son
plus jeune âge.
En effet, une fille normale ne passe pas ses journées à
regarder la vraie vie à la télé.
Une fille normale ne compte pas les
jours qui la séparent de la prochaine raclée monumentale... Mais,
par-dessus tout, une fille normale n'aide pas son père à garder une
adolescente prisonnière dans la cave de la maison.
Attention ! Ce roman n'est pas à mettre entre toutes les mains, âmes sensibles s'abstenir !
Manon
est une jeune femme de 22 ans qui n'est pas comme les autres.
Narratrice
principale de cette histoire, elle raconte en des termes enfantins et un
vocabulaire un peu pauvre, son quotidien dans cette maison isolée dont elle
n'est jamais sortie, auprès de son père maltraitant.
Manon doit tenir la maison
en parfaite petite femme et aider son père dans ses délires déviants.
Ainsi,
elle doit s'occuper des jeunes filles captives que son père ramène dans sa cave
afin d'assouvir ses fantasmes horribles, elle doit les nourrir, prendre soin
d'elles, jusqu'à leur épilation ou la gestion de leur cycle menstruel et les
maintenir en vie, sa propre existence en dépend.
Un bien morne et effroyable
quotidien dont elle ne veut et ne sait comment s'échapper...
Je
pense que ce roman va me hanter quelques temps !
Ce n'est pas qu'un simple thriller, je le qualifierai de
"dark thriller" !
Magali Collet touche ici à des sujets plus que
sensibles, décrit des scènes que l'on ne voudrait pas avoir à imaginer, raconte
une histoire que l'on voudrait complètement improbable...et elle le fait bien !
Tout est cohérent, et c'est bien cela le souci : le
roman devient si réaliste qu'il en est gênant, retourne les tripes et donne des
nausées...
Attention, les scènes de viol ne sont pas explicitement décrites,
mais l'ambiance générale est là, une sorte de climat terrifiant, horrifique,
malsain.
Et pourtant, on ne peut pas lâcher le récit.
Pourquoi ?
Peut-être parce
que Manon, la narratrice - qui semble un peu arriérée - nous raconte une vie sur
laquelle on ne peut fermer les yeux, parce que l'on a cette envie, cet espoir
de lire que les choses se terminent bien, parce qu'on est poussé par une sorte
de curiosité malsaine ...
Quoi qu'il en soit, la plume de Magali Collet m'a
complètement happée et je n'ai pas pu stopper ma lecture, même si celle-ci
était plus qu'angoissante…
Le
personnage de Manon est fascinant : cette jeune femme qui s'apparente presque à
une petite fille dans sa façon de s'exprimer, vit le pire qu'un être humain
puisse endurer.
Les coups, les humiliations, les viols...son quotidien ne se
résume qu'à assouvir les infâmes fantasmes de son géniteur, "le
Père", qu'elle protège malgré tout. Syndrome de Stockholm ou dévotion
quasi religieuse ?
En tout cas, son raisonnement est là : sa vie est une
fatalité, il n'y a pas lieu d'y échapper…
La télévision, qu'elle peut regarder
lorsque son père part au travail, ne l'aide pas à réfléchir sainement. Ce
qu'elle a déjà vécu et l'avilissement quotidien subit ne l'encourage pas...
Difficile de la comprendre parfois, il faut creuser pour concevoir sa vision
des choses, son instinct de survie dans cette vie qui n'en est pas une…
Sa rencontre avec Camille pourrait peut-être la
sauver, au moins de la folie... ou pas !
Ce lien qui se crée entre elles est
nouveau, les captives n'étant que des "meubles", cette relation
oblige Manon à se poser des questions, à réfléchir sur sa condition, mais
est-elle prête pour cela?
Bref, ce roman est une vraie torture psychologique.
Il
est horriblement bien écrit, me rappelant la qualité de Karine Giebel.
L'histoire est captivante par sa monstruosité. L'auteure arrive à nous plonger
en plein cauchemar, où la cruauté est reine.
Et pourtant, j'ai adoré cette
lecture traumatisante. J'ai eu des nausées, des envies de meurtres, j'ai été
prise de colère, d'incompréhensions... J'ai été subjuguée par la personnalité
de Manon, par l'histoire qui, bien qu'imaginaire, est criante de réalisme…
« ça, c'est juste bien... »
Bravo Magali Collet, mes nuits vont rester hantées
quelques temps par cette Cave aux poupées, « parce que c'est comme ça que
ça marche »...
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